La votation à venir du 18 juin 2023 prochain dans laquelle le peuple suisse s’exprimera sur la Loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l'innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique, qui est un contre-projet indirect à l'initiative pour les glaciers nous a donné envie d’évoquer les contentieux climatiques.
En quelques lignes, la votation relative à la loi climat vise à réduire la consommation de pétrole et de gaz naturel importés de l'étranger, afin de diminuer la dépendance énergétique de la Suisse et de produire davantage d'énergie en utilisant des technologies respectueuses de l’environnement. Les personnes et les entreprises qui investissent dans ces technologies bénéficieront d'un soutien financier.
Contrairement à l'initiative pour les glaciers, cette loi n'interdit pas les agents énergétiques fossiles tels que l'essence, le diesel, le mazout et le gaz. Avec cette loi, le Conseil fédéral et le Parlement entendent réduire la dépendance de la Suisse aux énergies fossiles importées d’une part et de renforcer la protection du climat d’autre part.
Cette votation à venir, nous a donné l’envie de d’évoquer deux affaires que Me Kiavila avait commencé à esquisser au GSEF de Dakar, il s’agit du contentieux climatique devant la CEDH à travers deux affaires récentes :L’affaire des Ainées pour la protection du climat c. Suisse (1), l’affaire Carême c. France(2).
Ces dernières années, l’on a pu voir un certain développement des questions climatiques au cœur de la CEDH.
1. L’affaire des Ainées pour la protection du climat c. Suisse
Une association nommée « les Aînées pour la protection du climat » ont poursuivi la Suisse devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), reprochant au gouvernement fédéral suisse de ne pas prendre les mesures nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et ainsi protéger les droits humains des générations futures.
L’affaire « Verein KlimaSeniorinnen Schweiz and others v. Switzerland » (requête no 53600/20) est traitée par la Grande Chambre de la CEDH, composée de 17 juges. Elle fait suite au rejet de la requête des Ainées pour la protection du climat par le Tribunal fédéral en 2020. La Haute Cour a rejeté la plainte en ce sens que l’association ne disposait pas de la qualité pour agir.
Cette affaire prend place en marge de la votation de la loi sur le climat et l'innovation visant à réduire la dépendance énergétique de la Suisse et à diminuer les atteintes à l'environnement. Les mesures proposées sont en adéquation avec les faits reprochés par les aînées de la protection du climat et incluent la réduction de la consommation d'énergie et le soutien aux investissements dans des technologies respectueuses du climat.
Cependant, les aînées pour la protection du climat affirment que la Suisse doit prendre des mesures plus ambitieuses pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et ainsi protéger les droits humains des générations futures. À titre d’exemple, la réduction des émissions d’ici l’année 2030 devrait augmenter de 50% à 61% par rapport aux valeurs des émissions de 1990.
En Suisse, la question de la protection de l'environnement est devenue un enjeu de société important, avec une mobilisation croissante de la population et des organisations pour demander des mesures plus ambitieuses en matière de protection du climat.
Cette tendance est en effet également visible dans des affaires similaires en France (affaire Carême c. France).
2. L’affaire Carême c. France
En France, Monsieur Damien Carême, ancien maire de Grande-Synthe – ville côtière du nord de la France menacée par la montée des eaux – a poursuivi la France devant la CEDH.
En effet, la Grande Chambre s’est vue attribuer la requête (no 7189/21) dénonçant l’insuffisance de l’action de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Damien Carême soutient que l’action insuffisante du gouvernement en matière de protection du climat l’affecte directement dans son droit à la vie privée et familiale protégé par l’art. 8 de la CEDH.
Si le Conseil d’État en France a fait valoir qu’il n’avait pas d’intérêt à agir en ce sens qu’il n’était pas directement affecté plus que tout autre individu, le requérant a fait valoir que l’inaction du gouvernement l’empêchait de se projeter sereinement dans son domicile pour les années à venir. De plus, les risques climatiques qui affecteront son domicile dépendront notamment des résultats obtenus par le gouvernement français en matière de changement climatique.
La Grande Chambre de la CEDH étant saisie de l’affaire, elle se prononcera ultérieurement.
Conclusion
En Suisse, la loi sur le climat et l'innovation sujette à référendum est considérée comme une étape importante à la transition vers une économie plus respectueuse du climat. Elle est toutefois critiquée soit pour ne pas aller assez loin, soit pour aller trop loin. Le référendum déposé contre cette loi reflète cette division dans la société suisse.
En effet, lors des votations fédérales du 13 juin 2021, la population suisse avait refusé la révision de la loi fédérale sur la réduction des émissions de CO2 (dite : « loi sur le CO2 ») par le Parlement et le Conseil fédéral. Cette révision avait pour but de créer des incitations financières telles que des taxes sur les billets d’avion.
En conclusion, les affaires devant la CEDH précitées sont des exemples de l'importance croissante de la justice climatique sur la scène internationale. Les aînés pour le climat ont montré que le changement climatique et les droits de l’Homme ont un lien indissociable.
En outre, leur action devant la CEDH s'inscrit dans une tendance internationale de recours devant les instances nationales et internationales pour faire valoir les droits humains liés au climat.
En effet, il en est de même dans l’affaire Urgenda c. Pays-Bas dans laquelle des militants pour le développement durable ont engagé un recours devant la CEDH pour contraindre le gouvernement à réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre.
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